“J’ai crié Liberté. Et vous m’avez rendu Silence.”
Discours imaginaire de Dessalines à la Nation haïtienne, occasion 17 octobre

Moi, Jean-Jacques Dessalines, né esclave, mort empereur, revenu ce 17 octobre du creux de mes os dispersés, je me tiens debout, non pas parmi vous — mais devant vous.

Je n’ai jamais demandé qu’on m’aime. J’ai exigé qu’on libère ce peuple. Je n’ai pas laissé ma peau au vent de Pont-Rouge pour que, deux siècles plus tard, vous pleuriez encore enchaînés, mains vides, terres pillées, voix bâillonnées.

Haïtiens, que vous êtes-vous fait à vous-mêmes?

Je regarde ce que vous êtes devenus. Je vous entends : « Vive Dessalines par çi ! » « Vive Dessalines par là ! » Et pourtant, chaque jour, vous tuez mon rêve en silence, comme on égorge une vérité gênante dans une salle de conférence.

Vous avez transformé la liberté en mythe folklorique, l’indépendance en slogan de meeting, le drapeau en serviette de bain électorale. Vous attendez que les étrangers vous dictent quoi faire pour sauver la patrie. Hélas ! Vous acceptez tout ce dont pourquoi j’ai si ardûment lutté en m’y opposant de toutes mes forces jusqu’à verser mon sang.

Vous avez remplacé les chaînes par des visas
Vous appelez « mobilité » ce que moi j’appelais « exil imposé ». Vous appelez « système » ce que moi je nommais « tyrannie économique ». Vous marchez sur le sol pour lequel j’ai fait couler le feu, et vous vous excusez encore d’exister.

Est-ce donc cela, votre gratitude?

D’anciens maîtres remplacés par de nouveaux parrains, des élites complices, des nègres de salon jouant au président sous perfusion.
Où est le peuple pour qui je me suis battu à feu et à sang ?
Oui, j’ai été cruel. J’ai été sans pardon. Mais j’ai été juste. Je n’ai jamais accepté qu’un peuple noir, fier, doive implorer sa dignité à genoux dans les ambassades.

Aujourd’hui, on célèbre mon nom, mais on assassine mes idées. Je suis dans les statues, mais plus dans vos actes.

Haïti, mon amour trahi

Le 17 octobre n’est pas une fête. C’est une gifle annuelle que je vous rends pour ne pas m’avoir écouté.

Haïti, je t’ai voulue libre. Dommage, tu te livres, jour après jour, à tes bourreaux avec le sourire. Tu as changé de maître, pas de posture. Tu as remplacé les chaînes par des petits contrats. Tu as troqué l’insurrection pour des promesses de coopérations.

Peuple, écoute au moins une fois !

Je ne veux plus vos gerbes de fleurs fanées. Je ne veux plus vos discours creux devant ma tombe éclatée. Je veux, au contraire, une parole vivante, un geste digne, un acte de courage à nul autre pareil.

Relève-toi, peuple !

Sinon, je ne reviendrai plus. Je vous laisserai dormir, comme tous vos dirigeants politiques, sous les lambeaux d’une patrie que vous n’aurez jamais méritée.

Jean-Jacques Dessalines,
Empereur sans royaume,
Témoin du rêve trahi.

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