Bobby Denis : L’homme derrière le son, le bâtisseur de mémoire, est parti.
Le 14 octobre 2025, la culture haïtienne a perdu l’un de ses artisans les plus discrets, mais ô combien essentiels. Robert Denis, que l’on appelait affectueusement Bobby, s’est éteint à l’âge de 78 ans, emporté par un AVC survenu devant l’hôpital du Canapé-Vert, alors qu’il venait, bouleversé, tenter de voir une dernière fois sa sœur Fabienne, récemment décédée. Il n’aura pas eu le temps de franchir la porte. Son cœur n’a pas résisté. Le choc fut trop fort. Il est tombé, comme on tombe d’amour… ou de douleur.
Un maître du son, un géant dans l’ombre
Bobby Denis n’était pas un homme de projecteurs. Il les installait, les réglait, les maîtrisait. Il fut l’un des plus grands techniciens du son qu’Haïti ait connus, un véritable orfèvre de l’audio et de la régie. De Radio Haïti Inter à Canal Bleu, du studio Audiotek aux plateaux de Télémax, qu’il a fondée et dirigée, il a tissé une toile invisible mais puissante dans l’univers médiatique haïtien. Sa chaîne, Télémax, n’a jamais eu d’égale : elle fut un phare pour les talents, un tremplin pour les grands événements, une école de rigueur pour toute une génération de professionnels.
Il savait entendre ce que d’autres ne percevaient pas. Une oreille presque mystique, disent certains. Une exigence délicate, disent d’autres. Il maniait les sons comme on sculpte le silence. Il magnifiait les voix, les chants, les rires et les cris d’espoir.
Une rencontre inoubliable
J’ai eu le privilège de le croiser dans les coulisses de Miss Vidéomax, de Konkou Chante Nwèl et de plusieurs autres événements culturels majeurs. Toujours calme, précis, attentif. Il ne haussait pas le ton, ne cherchait pas la reconnaissance. Mais son efficacité parlait pour lui. Sans lui, rien ne marchait vraiment.
Mon mari, Colas, qui a travaillé à ses côtés à Radio Haïti Inter, garde de lui le souvenir d’un homme d’une rare humilité, toujours soucieux de la qualité du travail, mais aussi du respect des autres. Chez Bobby, chacun comptait. Il ne méprisait pas. Il élevait.
Un legs pour les médias haïtiens
Bobby n’était pas seulement un technicien d’exception. Il était une institution. Président de l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) jusqu’à son dernier souffle, il incarnait l’équilibre entre l’innovation et la mémoire, entre les machines et les humains, entre le progrès et le respect des fondations.
Il n’a pas seulement accompagné des artistes : il a rendu leur œuvre possible. Il n’a pas seulement fait fonctionner des émissions : il leur a donné une âme.
Merci, Bobby
Aujourd’hui, nous lui disons adieu. Mais pas sans gratitude. Pas sans promesse. Celle de ne pas laisser son travail sombrer dans l’oubli. Celle de continuer à porter la même exigence. Celle d’aimer notre métier avec le même respect que lui.
À sa famille endeuillée, à ses enfants, à ses amis, à la grande communauté des artistes, techniciens et journalistes d’Haïti : je vous adresse mes condoléances les plus sincères.
Et à toi, Bobby, merci d’avoir tant donné.
Ton œuvre vit. Et nous continuerons à faire entendre ton silence, dans chaque son que tu nous as appris à écouter autrement.